Festival des Papillons de Nuit

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Elista ( Fiches artistes)

Elista - Samedi 29 Mai


C’est pas joli à voir, un homme qui a cessé de chercher. Je laissais tourner en boucle les White Stripes et les Strokes. Pourquoi ne pas s’en contenter, finalement ? J’allais lâcher l’affaire. Après tout, il n’existait peut-être en France aucun groupe de rock efficace et rugueux, aucun album de huit titres torchés mais qui respire à bloc.Ce n’était pas une raison pour cesser de vivre et de sourire à ceux qu’on aime, mais c’était quand même un constat assez pénible et je me suis rendormi quelques heures. Au réveil, on me porta Elista, un pré-CD de onze titres… J’ai d’abord flashé sur «L’autoroute A3». Ça ma rappelé des trucs, comme tous les bons morceaux, des choses que j’avais écrites, des choses vécues et d’autres pas assez, de la vitesse et de la tristesse, de la lumière aussi, beaucoup même. Des trucs qui filent derrière la vitre tandis qu’on tente de retenir la joie.Mais c’est perdu d’avance. Ça va trop vite et c’est du gris sur gris, pas l’ivresse rock, une ivresse rock and roll, justement. « L’autoroute A3 », c’est la seule chanson qu’ils n’ont pas gardée sur leur premier album. Peut-être parce qu’elle disait trop fort ce que tout le monde murmure : ça se joue en Seine et Marne, c’est presque à la campagne, c’est entre Noir Désir et Mickey 3D, il existe là-bas cinq garçons de vingt-cinq ans qui s’en sont trop pris, du vent dans la tête et de l’ennui dans le corps, ce vent qui souffle au dessus de Melun, même pas fort, même pas mal, trop de bières aussi, trop de kilos contre le poids des jours, pas un disquaire potable, il faut sécher les cours pour voler de la musique à Paris, et puis maintenant, un CDD chez SFR et puis ça file encore, par la vitre du RER D, le résultat ? L’allégresse pure de dix morceaux balancés comme ça, dans un seul geste d’énervement. Dix morceaux rapides, du rock à deux guitares mais aussi à deux voix, ce qui leur donnent ce volume, cette profondeur – une épaisseur d’humanité, si vous voyez le genre de bête à deux têtes : un gros son rock et des lyrics subtils. Des mots d’auteur et des riffs de branleurs. Ils chantent la vie à deux, le silence le matin. Ils vont faire beaucoup de bruit. Ils vont se planter dans leurs accords et dans leurs looks, ils vont surtout se planter dans notre époque et je vous aurais prévenu. Je me suis habillé, j’ai pris le disque sur moi et ma fille dans mes bras, qui m’a souri comme elle sait faire.Et je lui ai dit tout bas : c’est bon, ça y est, papa va mieux.

Charles Pépin (écrivain & journaliste)


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